Les conflits, en matière familiale, ne débouchent pas systématiquement sur des procès longs, coûteux et stressants pour les parties. En effet, il est possible de favoriser la résolution du conflit via des modes amiables ou alternatifs de règlement des différends (MARD). Ces modes sont généralement mis en œuvre avant d’aller au contentieux, celui-ci n’étant alors qu’une solution de dernier recours. Récemment, de nouvelles mesures amiables ont fait leur apparition dans le cadre même des procédures contentieuses : la césure de procès et l’audience de règlement amiable (ARA). Elles viennent encore renforcer la palette des outils de règlement amiable.
Les MARD : qu’est-ce que c’est ?
Les modes amiables de règlement des différends (MARD) sont des processus permettant un traitement amiable des litiges ou une alternative à une procédure judiciaire. Un professionnel compétent tel qu’un avocat ou un médiateur, selon les modes, peut vous accompagner afin de vous aider à trouver un accord satisfaisant et pérenne pour tous.
Cette approche est particulièrement adaptée en droit de la famille. Grâce aux modes amiables, les familles en conflit – au moment d’un divorce, d’une séparation, ou à l’occasion d’une succession par exemple – peuvent construire ensemble une solution satisfaisante et durable, préservant ainsi au maximum les liens familiaux. C’est d’autant plus essentiel dans le cas d’une séparation où le couple parental doit survivre au couple conjugal.
Lorsque vous désirez favoriser l’amiable avant toute procédure judicaire ou pour l’éviter, plusieurs choix s’offrent à vous :
- La négociation directe : Les parties essaient de trouver elles-mêmes une solution en échangeant sur les points qui posent problème sans l’aide d’un avocat.
- La négociation avec avocat : Les avocats mènent les pourparlers : d’avocat à avocat, en réunion avec les clients, selon ce qui est le plus adapté.
- Le processus collaboratif : Les avocats et les parties s’engagent fortement en signant un contrat pour trouver une solution qui convienne à tout le monde et s’engagent à ne pas avoir recours à un juge. Les avocats doivent être spécialement formés à cette méthode de travail.
- La procédure participative : Il s’agit d’une procédure permettant d’écourter la phase judiciaire en tentant de trouver un accord partiel ou total avec l’autre partie avant de saisir le juge.
- La médiation : Seules ou accompagnées d’un avocat, les parties se réunissent et bénéficient d’un espace de parole avec l’aide d’un médiateur afin favoriser le dialogue et l’émergence d’accords.
Césure et ARA : deux nouvelles mesures amiables
Les MARD sont donc des modes alternatifs au contentieux pour résoudre un conflit. Pour la justice, soit on s’entend, soit on est en conflit. Pourtant, il n’est pas rare d’aller au contentieux malgré des points d’accord existants entre les parties ou de de tenter une voie amiable alors qu’on est toujours en conflit. Les deux nouvelles mesures ont cette particularité de fonctionner dans le cadre de la procédure contentieuse.
Concrètement, qu’apportent-elles de nouveau ?
La césure du procès
Entrée en vigueur le 1er novembre 2023, la nouvelle procédure de césure du procès permet de demander le jugement d’une partie d’un litige civil : liquidation et partage du régime matrimonial des ex-époux ou de partenaires pacsés, droit de visite et d’hébergement des grands parents ou des tiers et, a priori les conséquences du divorce. Mais toutes les procédures familiales ne sont pas concernées.
En effet, les textes limitent cette faculté de deux manières.
La première est qu’elle est limitée aux procédures écrites ordinaires, c’est-à-dire les procédures avec représentation obligatoire par un avocat devant le tribunal judiciaire. Cela veut dire, par exemple, que les procédures concernant les modalités d’exercice de l’autorité parentale : résidence des enfants, droit de visite et d’hébergement et pension alimentaires ne sont pas concernées. C’est regrettable car ce sont des sujets qui cristallisent bien des tensions et pour lesquels les modes amiables peuvent être très puissants.
La seconde est que cette faculté est ouverte pour les procédures dans lesquelles les parties ont la libre disposition de leurs droits – c’est-à-dire des droits sur lesquels les parties peuvent décider car ils ne sont pas d’ordre public comme les biens, le montant des pensions et autres prestations. Mais la libre disposition des droits ne concernent ni les personnes ni les principes, ainsi, le prononcé du divorce ou les questions de filiation, par exemple, ne rentrent pas dans le cadre de la césure.
Concrètement, il devient possible de demander au juge de ne statuer que sur une partie du procès. Il rend ainsi sa décision concernant les éléments les plus essentiels. Si, par exemple, vous avez acquis, ensemble, un bien immobilier mais pour partie avec des sommes qui vous étaient personnelles, le juge peut statuer sur le principe d’un droit à créance dans le cadre d’une césure de procès. Il vous appartiendra ensuite de trouver un accord sur le montant. Les autres modes amiables pourront alors vous y aider.
La demande de césure doit faire l’objet d’une demande conjointe. Il est donc impossible à l’un des époux, concubins ou parents de demander une telle césure de manière unilatérale.
Ensuite, soit les parties trouvent un accord et il pourra être entériné par le juge, soit le désaccord subsiste et le juge tranchera alors le différend.
L’ARA : Audience de Règlement Amiable
Dans cette seconde mesure, mise en place depuis le 1er novembre 2023, le juge saisi du litige va renvoyer l’affaire devant un autre juge conciliateur qui va faire en sorte de favoriser une solution amiable. Une telle audience est une opportunité pour trouver une solution amiable.
Comme pour la césure, toutes les procédures familiales ne sont pas concernées car les mêmes limitations s’appliquent. Ainsi, il n’est notamment pas possible d’avoir recours à une ARA dans une procédure relative à la fixation des modalités relatives aux enfants : l’exercice de l’autorité parentale entre les parents, fixation de la résidence des enfants, périodes d’hébergement et pensions alimentaires.
Justice amiable : vers un changement de paradigme ?
Avec la césure et l’ARA, le législateur affiche une volonté de développer les accords amiables dans le champ du procès civil. C’est, en théorie, une excellente nouvelle tant pour la justice dont les moyens ne lui permettent pas d’être toujours rendue au mieux, que pour les justiciables qui ne sont plus exclusivement soumis à la décision d’un juge. Dans la pratique, il conviendra de s’assurer qu’il s’agit d’une réelle volonté politique de créer une justice moins douloureuse pour les familles et non de désengorger les tribunaux quitte à forcer des accords qui n’auront d’amiables que le nom.
Car l’amiable ne peut en aucun cas être une contrainte.
Si c’est le fruit d’une volonté exprimée librement par les parties concernées, elles sont alors plus engagées dans le processus, car elles ont réellement à cœur de régler le litige. C’est la seule manière de réussir à trouver un accord durable qui convienne à chacun. Accompagner d’un médiateur, d’un conciliateur ou de leurs avocats, elles peuvent espérer préserver la relation avec l’autre (ce qui est essentiel quand il y a des enfants) mais aussi le patrimoine qui a été construit au fil des ans.
Parvenir à un règlement amiable est un moyen efficace de désarmer les situations conflictuelles et de régler la situation durablement. À terme, un développement de plus en plus poussé des processus amiables pourrait changer la vision des justiciables qui verront l’amiable comme une évidence et l’avocat comme l’acteur indispensable à sa réussite.