Difficile de s’ennuyer en droit de la famille ! Avec l’émergence de nouveaux modèles familiaux, de nouvelles manières d’être parents se développent également, obligeant le législateur à s’adapter. Alors que, dans le cadre des récentes discussions sur la révision des lois de bioéthiques, la ministre de la Justice a annoncé qu’il serait possible pour un enfant d’avoir deux mères à l’état civil – et non la mention « parent 1 et parent 2 » un temps envisagée, le sujet de la coparentalité est plus que jamais d’actualité. Mais si le mot est de plus en plus usité, ce qu’il désigne n’est pas nouveau : il s’agit du fait d’être parents, à deux, que l’on soit ou non en couple. Une situation qui implique des droits et des devoirs pour les parents : lesquels ? Décryptage.
Aujourd’hui, les situations de coparentalité sont plurielles : il y a les parents en couple – mariés, pacsés ou concubins – qui se sont séparés ou ont divorcé, les célibataires qui ont eu un enfant sans entretenir de relation amoureuse, ou encore la situation de deux couples homosexuels qui ont eu un enfant ensemble… Pour autant, si ces structures familiales diffèrent, la loi ne fait pas de distinction et leurs droits et devoirs vis-à-vis de leur(s) enfant(s) sont strictement les mêmes. En effet, une fois que l’enfant nait, les deux parents, déclarés comme tels à l’état civil, deviennent les détenteurs officiels de l’autorité parentale, définie dans l’article 371-1 du Code civil comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ». Leurs responsabilités ? Protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé, sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne. Aussi, les coparents – et non leur(s) conjoint(s) respectifs – ont pour mission de prendre ensemble les petites et grandes décisions qui jalonneront la vie de leur progéniture et ce jusqu’à sa majorité ou son émancipation.
La coparentalité, entre actes usuels et non-usuels
Dans une situation de coparentalité,les parents prennent à égalité les décisions qui concernent la vie de leur enfant, peu importe où se trouve sa résidence principale. Pour faciliter leur vie au quotidien, la loi prévoit une présomption d’accord : chacun des deux parents est réputé agir avec l’accord de l’autre quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relatif à l’enfant. Cela signifie que le parent qui prend une décision usuelle pour l’enfant n’est pas obligé d’apporter la preuve de l’accord de l’autre parent. Attention, cela ne vaut que pour les actes usuels, liés à la vie courante de l’enfant, et bien que le Code civil n’établisse pas clairement de liste prédéfinie, la loi les distingue des actes non usuels, qui engagent l’avenir et les droits fondamentaux de l’enfant, pour aménager au mieux le quotidien de l’enfant.
Concrètement, inscrire ou réinscrire son enfant dans le même établissement scolaire est un acte considéré comme usuel. En revanche, l’inscription de l’enfant dans un établissement privé ou religieux alors qu’il était scolarisé dans le public est un acte non usuel. Dans le même ordre d’idée, si les actes médicaux courants et bénins sont qualifiés comme des actes usuels, les actes plus importants type opération chirurgicale ou lancement de traitement sont pour leur part non-usuels.
Attention, l’un des parents peut toujours exprimer une opposition claire à un acte usuel : dans ce cas, il revient au juge des affaires familiales de trancher.
Des recours en cas de conflit entre les coparents
Dans toutes les familles, des petits (ou plus grands) désaccords peuvent survenir… et les parents n’échappent pas à la règle. Ainsi, pour statuer sur des questions épineuses liées à l’éducation, le juge aux affaires familiales, avec ou sans avocat, est le premier référent des parents. Son critère principal pour rendre ses décisions ? Garantir l’intérêt supérieur de l’enfant. Les juges sont rarement ravis de traiter ce type d’affaires, car elles reviennent souvent à mettre en balance les valeurs de chacun des parents : école publique contre école privée, baptême ou non, circoncision ou non…
En cas de difficulté des parents à communiquer sereinement autour des choix éducatifs, l’article 373-2-10 du Code civil leur offre un recours à la médiation familiale. Ces séances, ordonnées par le juge aux affaires familiales, ont pour objectifs de restaurer le dialogue et de mettre en place des solutions concrètes pour parvenir à un accord qui protège les intérêts de l’enfant et qui préserve ses liens familiaux.
Enfin, il existe une procédure amiable permettant de faire acter, sans audience, les droits et obligations de chacun : la convention parentale homologuée (Code civil, article 373-2-7). Cette dernière permet de définir sur papier, en amont, le cadre éducatif et les points d’entente entre les parents. Rédigée avec un ou deux avocats, signée par les deux parents et adressée au juge pour homologation, elle fixe – dans l’intérêt de l’enfant toujours – les modalités de l’exercice de l’autorité parentale par chacun des parents (répartition des périodes d’hébergement de chacun des parents, contribution des deux parents aux frais d’entretien et d’éducation des enfants). Un bon moyen d’assurer le respect et l’entente entre chacun des membres de la famille ! D’autant que depuis décembre 2016 la procédure a été simplifiée, et n’oblige plus le juge à recevoir systématiquement les parties.