C’est en droit de la famille que les modes amiables se sont le plus développés, encouragés d’ailleurs par les juges et les pouvoirs publics. C’est en effet du bon sens de chercher à travailler l’amiable dans le domaine de la famille. Les procédures judiciaires sont rarement une partie de plaisir quand elles ne sont pas d’une rare violence : délais extrêmement longs, peu de temps accordé aux justiciables, décisions rarement ou peu motivées, etc. Le juge « tranche » le litige, mais sa décision ne résout pas nécessairement la situation. L’amiable ne cherche qu’une et unique chose : trouver la solution juridique à une situation humaine douloureuse.
Le développement de l’amiable en droit de la famille
Le constat
Le traitement judiciaire des affaires familiales n’est pas satisfaisant, tant dans la gestion du conflit – qui bien souvent perdure et s’enkyste -, que par le volume d’affaires qu’il génère et des moyens qu’il nécessite.
Avoir une décision judiciaire règle des questions juridiques et pose un cadre mais ne résout en rien le conflit. Lui, il perdure et se cristallise généralement sur les enfants. Les parents séparés pour lesquels le conflit n’est pas réglé se retrouvent alors avec une sorte « d’abonnement judiciaire » : régulièrement ils retournent chez le juge pour réviser une pension alimentaire, modifier la résidence des enfants, etc.
Le fait est que le droit de la famille c’est d’abord une situation familiale de crise sur laquelle on plaque du droit. Croire qu’en faisant du droit ou en posant des solutions toutes faites à l’emporte-pièce sur un problème familial sans s’intéresser à la situation familiale, aux raisons de la crise, on va résoudre le problème, c’est se tromper totalement.
Le droit de la famille est de l’humain avant d’être du droit. Si on veut faire du droit sans s’intéresser à l’humain, on s’est trompé de matière. Au cabinet, nous en sommes persuadées.
Les professionnels du droit de la famille, notamment les avocats, ne sont pas pour autant des psychologues. Mais leur matière exige d’eux qu’ils prennent en compte la dimension humaine et émotionnelle avant d’ouvrir le code civil. C’est pourquoi, un avocat en droit de la famille doit avoir un degré d’écoute et d’attention sincère porté à son client et à ses problématiques. Tout passe par l’écoute pour s’intéresser et comprendre à la fois la situation familiale dans son ensemble et ce qui est vraiment important pour son client. On ne peut pas bien conseiller son client sans une compréhension générale de la situation et de ses enjeux.
C’est pour cette raison qu’il a fallu développer d’autres outils pour aborder les situations familiales autrement et de manière plus satisfaisante.
Le développement des modes amiables (MARD)
C’est à la fin des années 1990 et au début des années 2000 que la médiation familiale se développe en France et qu’un diplôme d’état de médiateur familial voit le jour. Les débuts sont laborieux et on ne peut pas dire que les résultats sont au rendez-vous. Dans la foulée, arrive en France le processus collaboratif (aussi appelé droit collaboratif) qui commence à se développer, les avocats se formant à ce mode amiable qu’ils peuvent eux-mêmes mener de bout en bout.
Mais il y a de la résistance face à ces « nouveaux » modes amiables. Et l’avocat en droit de la famille, s’il sait qu’il y a sûrement quelque chose à creuser dans cette voie, n’est pas tout à fait prêt à lâcher le prétoire et la robe pour se mettre autour d’une table et négocier.
C’est dans ce cadre que la procédure participative voit le jour, sorte de compromis entre le côté procédural rassurant et l’innovation des modes amiables.
Le changement de posture demande du temps, mais cette nouvelle vague de l’amiable, de la négociation et du « collaboratif » se développe aussi dans la société et les entreprises.
Aujourd’hui, il est devenu culturel et ancré dans les pratiques des avocats en droit de la famille. Les avocats se sont formés et continuent de le faire pour être à même de mener des négociations ou un processus collaboratif, assister leur client en médiation, etc.
De l’amiable à une justice privative ?
L’amiable ou comment redonner une place au justiciable
Dans les processus amiables, quels qu’ils soient, le justiciable redevient acteur, du moins s’il le souhaite. Il ne s’efface que s’il en a envie et que c’est plus confortable pour lui. S’il veut redevenir acteur dans le processus amiable, il le pourra. C’est le rôle de l’avocat de le conseiller sur ce point, notamment en adoptant une attitude positive et constructive.
L’idée n’est pas de profiter du processus amiable pour avoir une scène et régler ses comptes avec l’autre partie. L’idée est de coconstruire un accord sur-mesure et durable.
Pour y arriver, l’engagement du justiciable est primordial, qu’il souhaite laisser son avocat en première ligne ou non. Car rien n’est possible si chaque partie ne joue pas le jeu, ne s’investit pas sincèrement dans le processus. Arriver à un accord pour se donner bonne conscience n’est pas un bon accord. Lorsque l’on pratique l’amiable en droit de la famille, il est essentiel de s’impliquer et de se donner les moyens de trouver une solution véritablement pérenne et acceptable. C’est vrai dans toute négociation et particulièrement pour le processus collaboratif et la médiation familiale.
Ce rôle très actif du justiciable dans la procédure amiable en droit de la famille lui permet, en étant l’architecte de l’accord final, d’y trouver de la satisfaction. A l’inverse, l’insatisfaction est courante dans la procédure contentieuse : la décision du juge peut, au mieux, convenir à une des parties, et au pire, déplaire aux deux. D’où un conflit qui s’enkyste et des procédures qui s’enchaînent. Un accord amiable sera mieux accepté et donc mieux respecté. Plus durable aussi.
Par ailleurs, le fait d’avoir réussi à trouver un consensus, évite d’abîmer la relation plus qu’elle n’est déjà – ce qui malheureusement toujours le cas en contentieux. La relation est préservée, parfois même une nouvelle communication est possible, ce qui est particulièrement important pour les parents qui ont des décisions à prendre ensemble pour les enfants durant de nombreuses années.
Même le patrimoine est préservé car, au lieu de dissoudre la construction patrimoniale de la famille et de perdre l’argent qu’on y a investi, on peut trouver des solutions intelligentes et satisfaisantes.
Le droit de la famille amiable : le risque d’une justice à 2 vitesses ?
Si les avantages de l’amiable en droit de la famille sont nombreux, on peut se demander si favoriser l’amiable ne revient pas à favoriser une sorte de justice privative. Plus de juge, mais la loi des parties. Plus de tribunaux, mais des avocats, dont chaque partie paie les honoraires, qui négocient et rédigent les accords. Donc chaque justiciable paie sa justice en fonction de ses besoins au lieu que ce soit l’État qui prenne en charge la justice.
Cela peut être une dérive qu’il faut éviter en s’assurant que chaque justiciable ait un accès équivalent à la justice et qu’il peut s’offrir les services d’un avocat que ce soit pour trouver un accord ou saisir un juge grâce à l’aide juridictionnelle.