La question de l’infidélité virtuelle, par le biais de sites ou applications de rencontre, se pose d’autant plus en période de confinement. Cette fenêtre vers un extérieur interdit représente-t-il un risque pour le couple ? A partir de quand la justice parle-t-elle d’adultère ? L’inscription sur un site suffit-il ? Puisque les couples mariés se doivent fidélité, il faut se demander où commence l’infidélité.
L’article 212 du Code civil prévoit que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». Nous avons déjà traité à plusieurs reprises la question de la fidélité dans ces pages (ici, ici et là), tant le sujet est bien plus nuancé et subjectif que la loi ne le voudrait.
A l’infidélité traditionnelle – l’amant dans le placard – s’ajoute dorénavant une nouvelle forme d’adultère : un adultère virtuel. La jurisprudence y a déjà été confrontée et semble prompte à la reconnaître.
Une affaire de corps ou d’esprit ?
Dans son film Her, le réalisateur Spike Jonze, faisait vivre à Joaquin Phoenix (Theodore) une histoire d’amour avec un système d’exploitation incarnée par Scarlett Johansson. Évidemment, une relation via une application concerne normalement deux êtres humains, mais ce sont les sentiments de Theodore qui ici nous occupent. S’il était effectivement amoureux, personne ne peut le lui enlever, quel que soit l’objet de sa passion. C’est en substance ce que retient la jurisprudence dans les affaires de cyber-infidélité.
En 2014, la Cour de cassation avait considéré que « le fait de rechercher des relations sexuelles par le biais d’un site Internet constitue à lui seul un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage et peut justifier qu’un divorce soit prononcé aux torts exclusifs de l’époux fautif »¹. L’infidélité n’est donc moins une affaire de relation sexuelle consommée que d’esprit qui ne respecterait plus le contrat de fidélité. La trahison est avant tout émotionnelle avant même d’être corporelle.
Cyberinfidélité consacrée
La jurisprudence s’assure toutefois que certains critères soient respectés pour reconnaitre l’adultère. S’inscrire sur un site de rencontre ne constitue pas une faute en soit par exemple. En revanche, s’y connecter régulièrement, y multiplier les échanges avec une ou plusieurs personnes, entretenir une relation virtuelle dans la durée, sont des éléments qui pourront démontrer l’infidélité. Ils seront volontiers considérés par les juges comme portant atteinte à la relation de confiance inhérente au mariage. Le mensonge ou le non-dit de l’époux qui s’autorise une parenthèse virtuelle est jugé au même titre que l’acte en lui-même. La fidélité est une idée à laquelle on peut aussi être infidèle.
Cass, 1re civ., 30 avr. 2014, n°13-16.649