Sur quels critères le juge peut-il se prononcer ?
La décision rendue le 7 mai 2012 par le Tribunal de grande instance de Cologne, en Allemagne, a fait couler beaucoup d’encre dans les milieux juridiques et religieux. Le contexte est simple : après une circoncision pratiquée à l’hôpital, un enfant connaît des complications. L’hôpital se retourne contre le médecin qui est relaxé. Si le Tribunal de Cologne confirme cette relaxe, aucune loi allemande n’incriminant la circoncision, il précise toutefois que la circoncision d’un enfant est constitutive d’une atteinte à l’intégrité corporelle de l’enfant qui ne peut pas être décidée par les parents, sauf pour raison médicale.
En Allemagne comme en France, la loi reconnait une différence entre une circoncision pratiquée pour raisons religieuses et une autre pratiquée pour raisons médicales. Que dit la loi française ? Sous quel angle doit-on aborder la question de la circoncision ? Et quels sont les critères objectifs au service du juge lorsqu’il doit se prononcer entre deux parents dont les conceptions en la matière divergent.
Intégrité corporelle, liberté religieuse…
En vérité, le sujet est à la croisée des chemins. Il concerne évidemment l’intégrité corporelle de l’enfant. Les hommes peuvent parfaitement vivre sans prépuce, le fonctionnement des organes génitaux n’est pas diminué et la circoncision est fortement recommandée par l’OMS et l’ONUSIDA comme un moyen de réduire le risque de transmission du virus HIV. Pour autant, la circoncision reste un acte chirurgical irréversible.
Alors les parents ont-ils le droit de disposer du corps de leur enfant ? D’un point de vue strictement juridique, la circoncision peut être assimilée à une violence volontaire répréhensible pénalement.
Mais il n’y a jamais eu de plainte d’adulte et personne – ni juge, ni avocat – n’oserai aller sur ce terrain-là. Terrain pour le moins glissant, car on pourrait alors parler des oreilles percées des petites filles ou des corrections chirurgicales, comme l’otoplastie, pratiquées le plus souvent sur des enfants.
Le domaine du sacré
Evidemment, la dimension religieuse intervient dès que l’on parle de circoncision. Pour les juifs, elle est obligatoire et marque l’alliance de Dieu avec Abraham. Chez les musulmans, c’est une coutume très répandue. L’enfant n’est pourtant pas privé de sa liberté de croyance s’il est circoncis. On peut parfaitement être catholique ou protestant et circoncis. Ils sont d’ailleurs nombreux, notamment aux Etats-Unis. L’argument du respect des croyances religieuses des parents et de leur droit à éduquer leurs enfants dans celles-ci n’a donc pas de poids ici.
Face au juge
Le plus souvent, le juge aux affaires familiales est confronté à un désaccord entre les parents : l’un voulant circoncire l’enfant, l’autre non. Faut-il que les deux parents consentent à l’acte pour avoir le droit de pratiquer la circoncision ? Le sujet est juridiquement assez tabou en réalité et les juges sont pour le moins démunis face à ce type de requête.Il est admis que la circoncision médicale constitue un acte usuel nécessitant le consentement d’un seul titulaire de l’autorité parentale. En revanche, la circoncision rituelle qualifiée d’acte grave impose le consentement des deux parents. Evidemment, il reste la question du consentement du mineur qui, dans le cas par exemple de la religion juive, est âgé d’environ 8 jours…
Dans ce type de cas, comme dans d’autres lorsqu’il est question de droit de la famille, le juge doit surtout savoir écouter, faire preuve de bon sens et essayer de se prononcer dans l’intérêt de l’enfant. Pas toujours évident.