L’adultère est-il encore une faute ?
« Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». Cet article du code civil (le numéro 212) est systématiquement lu lors d’une cérémonie de mariage. La notion de fidélité a pourtant bien évolué et, à l’heure où 43% des Français déclarent avoir déjà été infidèles* et où un site de rencontres extra-conjugales vante les mérites de l’infidélité, on peut se demander si le devoir de fidélité a toujours un sens aujourd’hui. L’infidélité est-elle toujours sanctionnée par les juges ? La loi est-elle fidèle à elle-même ?
En France, la loi du 11 juillet 1975 a révisé le concept de l’adultère, considérant qu’il ne bafouait plus l’intérêt social et l’excluant des « attentats aux mœurs ». Les mœurs avaient changé, la loi s’adaptait. De même, si jusqu’alors le « complice » pouvait être poursuivi, depuis 1975, il n’est plus civilement responsable. La cour de Cassation l’a rappelé en 2001 : « le seul fait d’entretenir une liaison avec un homme marié ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur à l’égard de l’épouse ». Enfin, la notion d’enfant adultérin avait disparu quelques années auparavant (1972). Des avancées qui peuvent sembler évidentes, tomber sous le pli du bon sens pour certains, mais qui montrent bien comment la loi s’ajuste à l’évolution de la société.
Une affaire d’honneur et de bonne morale
En décembre 2015, la Cour de cassation déboutait Patrick Devedjian dans son procès contre le magazine Point de vue qui avait publié une interview dans laquelle il était question de sa relation présumée avec Valérie Trierweiler. L’ex-ministre portait plainte pour diffamation, arguant que l’évocation publique de son adultère portait atteinte à son honneur. Or la Cour a considéré que « l’évolution des mœurs comme celle des conceptions morales ne permet[tait] plus de considérer que l’imputation d’une infidélité conjugale serait à elle seule de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération ». La première Chambre civile a jugé que l’adultère n’était plus un comportement unanimement considéré comme « contraire aux valeurs morales et sociales communément admises ».
Si ce n’est donc pas (plus) une atteinte à l’honneur, ni contraire aux « valeurs morales communément admises », alors qu’est-ce que l’infidélité ? Car, si le mariage est bel et bien un contrat qui emporte un certain nombre de devoirs et obligations au nombre desquels la fidélité, chaque couple peut avoir sa propre conception (du moment qu’elle est partagée par les deux !). Ainsi, il a été jugé que les couples libertins qui pratiquent l’échangisme ne pouvaient pas invoquer l’adultère comme cause de divorce : est-ce à dire que les juges reconnaissent cette interprétation large du devoir de fidélité ? Y aurait-il différents types d’infidélité ? La loi doit-elle donner aux époux le loisir de définir ce qu’ils entendent par fidélité ? Ou faut-il tout simplement supprimer ce devoir entre eux ?
Depuis 1975, l’adultère n’est plus une cause péremptoire de divorce pénalement répréhensible. Il peut toutefois être une cause de divorce pour faute. Encore faut-il en apporter la preuve – que l’époux trompé n’aura obtenu ni par violence ni par fraude (art. 259-1 c. civ.) – et qu’elle représente une « violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations liés au mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune ». Dans le cas où le divorce est prononcé au tort exclusif de l’un des deux époux, celui-ci peut être condamné à verser des dommages et intérêts à son conjoint. Une maigre consolation qui ne compensera pas le montant des démarches judiciaires et n’apaisera certainement pas la douleur. Devoir qui s’adapte à chacun et à chaque situation, sanction relativement faible… Le devoir de fidélité est-il en train de vivre ses dernières heures ?
*Source Ifop – L’infidélité en France et en Europe – mars 2014