De l’adultère, faute péremptoire, à l’adultère, argument marketing d’un site de rencontre en ligne, le regard que la société pose sur l’acte d’infidélité a énormément évolué. En ce qui concerne le cadre juridique, il y a un avant et un après la loi du 11 juillet 1975. La jurisprudence quant à elle ne cesse de redéfinir les contours de ce qui peut encore être une cause de divorce pour faute. Mais pas systématiquement…
Si l’adultère fut pendant longtemps considéré comme la faute par excellence, infâmante, il est aujourd’hui, non seulement une faute parmi d’autres, mais encore une faute qui ne concerne que le couple – et non plus la société dans son entièreté – et qui est appréciée au cas par cas. Il n’y a en effet plus l’Adultère avec une majuscule, mais bien des histoires personnelles que les juges aux affaires familiales prennent en compte dans leurs nuances et spécificités. Ce changement culturel et juridique radical s’est opéré en moins de 50 ans. Avant la loi de 1975, en France, l’adultère était même sanctionné différemment s’il était commis par l’époux ou par l’épouse. Quand l’homme encourait une amende de 360 à 7 200 francs, seulement si son adultère était accompli au domicile conjugal, la femme était quant à elle punie d’une peine d’emprisonnement de 3 mois à 2 ans. Cette différence de traitement peut s’expliquer de bien des manières mais montre à quel point il s’agissait d’un acte répréhensible aux yeux de la société.
Depuis, la loi a changé, suivant, avec son temps de retard intrinsèque, les évolutions culturelles et sociétales. En 1975, l’adultère est déclassé et perd son caractère péremptoire – c’est-à-dire entraînant automatiquement le divorce. Dans un précédent article, nous parlions d’un arrêt de la Cour qui estimait que l’adultère ne portait atteinte ni à l’honneur ni aux valeurs morales communes. La très grande faute perdait encore de son prestige.
Une faute à gravité variable
Récemment, une association catholique portait plainte contre le « site de rencontres adultères » Gleeden considérant que faire la publicité de l’infidélité était illicite et constituait une incitation à violer une des obligations du mariage. « Les époux se doivent [en effet] mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».
En rejetant leur demande, le TGI de Paris a définitivement rangé l’adultère dans la sphère privée. L’infidélité n’est pas illicite en soi. Au même titre que le respect, le secours et l’assistance, la fidélité est un des termes du mariage et ne pas l’honorer peut en être une cause de dénonciation. Encore faut-il que cela « rende intolérable le maintien de la vie commune » (art. 242 du Code civil). Car si l’adultère est légalement une faute, son niveau de gravité diffère d’une situation à l’autre et c’est au juge de l’estimer. Ainsi, on parle d’adultère « de connivence » dans le cas de couples libertins qui ne peuvent reprocher la conduite de leur conjoint puisqu’elle faisait partie de leur contrat tacite de couple, ou d’adultère « de consolation » pour les personnes qui entament une relation avec une tierce personne après que leur conjoint a quitté le domicile conjugal ou est parti vivre avec quelqu’un d’autre.
L’adultère commis dans le mariage mais pendant la procédure de divorce sera également bien souvent traité avec plus d’indulgence par les juges. Le traitement juridique de l’infidélité montre non seulement l’évolution de notre société, mais aussi à quel point le droit de la famille est à l’écoute de ces changements pour s’ajuster et permettre aux juges comme aux avocats d’intégrer les dimensions intimes et personnelles de chaque cas.