NDLR : article écrit avant la loi du 2 mars 2022.
Epouse X ou veuve Y
La question de l’égalité homme-femme au regard de la loi est un prisme à multiples facettes. Il en est une qui concerne plus spécifiquement l’égalité époux-épouse et père-mère quant au choix du nom d’usage et du nom de famille. Il est courant, lorsqu’un homme et une femme se marient que la femme prenne le nom de son époux comme nom d’usage. L’inverse est plus rare. Or, depuis 1975, la loi le permet. Et qui connaît la différence entre le nom de famille et le nom patronymique ? Précisions…
Le nom de famille est un terme usuel qui ne fait pas débat dans la société. Pourtant cette formulation n’est apparue qu’assez récemment dans la loi et le code civil. La loi du 4 mars 2002 l’a introduit en faisant disparaître celle qui était encore en vigueur de « nom patronymique ». Car le nom se transmettait alors par le père exclusivement. Sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme et pour tendre vers une plus grande égalité de sexes, notamment entre parents dans l’attribution du nom, le code civil a donc été revu et corrigé. On comprend bien qu’ici les questions liées au nom relèvent du champ de l’égalité entre les hommes et les femmes !
Nom d’usage
Au moment de s’unir, quel nom choisir ? Si peu de couples se posent la question, c’est que la cause est entendue depuis des siècles et des siècles : le nom du mari – qui deviendra le nom du père – prime. Ce nom, qui ne remplacera jamais le nom de naissance, est un nom d’usage dont on peut jouir par substitution ou par adjonction. La nuance est d’importance !
La loi datant de 1975 permet à chacun de choisir le nom de l’autre comme nom d’usage, établissant de fait une réelle égalité entre les époux. Mais une circulaire de 1986, semble revenir sur cette égalité franche en précisant que le mari peut prendre le nom de sa femme comme nom d’usage par adjonction seulement tandis que la réciproque peut se faire également par substitution.
La vocation d’une circulaire est d’expliquer la loi aux administrations : de ce point de vue, l’objectif ne semble pas atteint ! Par ailleurs, une circulaire valant moins qu’un décret qui vaut moins qu’une loi, on peut rassurer les – rares – messieurs qui souhaiteraient prendre le nom de leur femme comme nom d’usage par substitution : la loi le permet !
Ce recul sur l’égalité entre les époux quant au nom d’usage est d’autant plus surprenant que l’égalité entre les parents est bien réelle lorsque l’on parle du choix du nom de famille. Le nom choisi pour le premier enfant fait référence et devient le nom de famille que porteront les suivants. Nom du père, de la mère, des deux accolés… Les possibilités sont variées et les parents disposent d’une grande liberté. Pourquoi, dans ces conditions, la question du nom d’usage reste – au moins dans la circulaire de 1986 – inégalitaire entre l’homme et la femme ? Au-delà de la loi, cette question est évidemment un sujet de société que nos voisins gèrent différemment. En Allemagne, par exemple, les époux peuvent opter pour un nom matrimonial qui peut être indifféremment celui de naissance du mari ou de la femme. Et dans les faits, les Allemands sont plus nombreux que nos compatriotes à adopter le nom de leurs épouses… La société française sera-t-elle un jour prête à voir arriver des messieurs Bardot, Dati, ou Chazal ? Ou un monsieur Arnaud Pulvard ?