Règles spécifiques d’un avocat en droit collaboratif
L’Association Française des Praticiens du Droit Collaboratif (AFPDC) a tenu son colloque le 5 avril dernier à la Maison du Barreau. La journée fut riche en échanges et en enseignements. Parmi les différents sujets traités, celui de l’engagement de désistement mérite quelques explications.
L’engagement d’un avocat conseil auprès de son client dans le cadre d’un processus collaboratif est particulier. Si chaque partie a effectivement son avocat conseil, on constate que, dans les faits, les deux avocats servent la même cause : la recherche d’une solution pérenne et adaptée qui satisfasse véritablement les deux parties. Cet engagement n’est en aucun cas une vue de l’esprit ni une posture angélique teintée de mièvrerie. Les clients et leurs avocats signent un contrat qui détermine très précisément les termes du travail qui leur incombe. Parmi ces principes, les avocats et les parties s’interdisent contractuellement le recours au contentieux judiciaires pour résoudre le conflit.
L’avocat conseil est engagé dans le processus
Cette clause est fondamentale car elle assure l’implication des avocats et de leurs clients à œuvrer tous ensemble pour trouver les meilleures solutions possibles. Dans le cas où malheureusement ils n’y arriveraient pas, les avocats se désistent et ne peuvent pas assister leurs clients dans la procédure judiciaire contentieuse. Tout d’abord, précisons que la très grande majorité des processus collaboratifs engagés ont des issues positives. Mais l’échec pouvant effectivement se produire, demandons nous pourquoi le désistement rend service à la démarche collaborative.
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Face à une négociation mal engagée, l’avocat pourrait être tenté de « bâcler » la partie collaborative pour aller directement au contentieux. La clause de désistement n’offre pas cette possibilité : l’avocat n’a pas le choix, il doit atteindre l’objectif commun ou se retirer. Sans « plan B », le client comprend bien l’implication réelle de son avocat conseil – ainsi que de celui de l’autre partie – et peut travailler en toute confiance avec lui. Les quatre protagonistes – deux parties et deux avocats – avancent dans le même sens et ont un objectif commun. C’est ce que permet cette clause de désistement.
Un cadre pour une négociation libre
Lors de la table ronde consacrée à ce sujet, Mme Jacob-Duvernet, psychologue, a rappelé l’importance de fixer un cadre pour que cette notion de confiance s’instaure et que les deux parties se sentent libres de s’exprimer, de revendiquer, de dialoguer. Le contrat de participation signé au début du processus permet de créer ce cadre et la clause particulière de désistement le consolide. Au sein de cette sphère de négociation sécurisée, l’avocat devient le garant du processus. Mme Ganancia, Juge aux affaires familiales du TGI de Paris, a mis en évidence la dimension d’autonomie et de responsabilité des parties qui se présentaient devant elle avec un accord élaboré grâce à un processus collaboratif. « Ils ne sont pas dans une attitude de soumission ni au juge ni à la justice même », a-t-elle précisé.
L’objectif des avocats praticiens du droit collaboratif est bien d’atteindre la finalité longue de l’acte de juger définie par Paul Ricoeur : la paix sociale.*
*Pour Paul Ricoeur, la finalité courte de l’acte de juger est de trancher un litige, alors que sa finalité longue est la paix sociale. (« L’acte de juger », Le juste, 1995)