La justice familiale est-elle pro-féminine ?
Il se trouve que c’est une question, voire une inquiétude qui revient régulièrement : si le juge est une femme, va-t-elle favoriser madame par rapport à monsieur ? Les médias relaient régulièrement la colère des associations de défense des droits des pères qui se sentent trahis par une justice rendue par des femmes en faveur des femmes. Qu’en est-il exactement ? Lors d’un divorce, pour établir le montant des pensions et décider de la résidence des enfants, vaut-il mieux avoir un juge homme ou un juge femme ?
Une enquête, menée entre 2008 et 2010 et basée sur 330 affaires de chambre de la famille de quatre tribunaux de grande instance, a permis de donner une réponse tangible à cette interrogation légitime. Si effectivement les JAF hommes n’envisagent pas leur fonction de la même manière que leurs consœurs, si les trajectoires professionnelles divergent et si même la perception que ces messieurs ont de leur métier est bien différente de celle des femmes, l’étude met clairement en évidence une « grande homogénéité » des décisions prises, « quel que soit le sexe du juge ».
Résidence et pension alimentaire
Les sociologues du travail qui ont mené l’enquête ont ainsi pu constater que la résidence habituelle des enfants était fixée chez la mère dans la grande majorité des cas : dans 72% des décisions des magistrates et dans plus de 75% des décisions des magistrats. En réalité, ce chiffre s’explique par le fait que les juges doivent prendre en compte les demandes des parents qui réclament le plus souvent que la résidence des enfants soit chez la mère (62% des demandes des pères et 76% des demandes des mères).
Il en est de même pour fixer la pension alimentaire, souvent source d’une grande inquiétude. Les décisions sont extrêmement homogènes et il apparaît que les valeurs modales sont de 100€ à 150€ par mois et par enfant. Pour les sociologues, les objectifs de productivité sont plus certainement à l’origine de ces décisions standardisés que le sexe des magistrats.
La grande différence entre les juges hommes et les juges femmes semblent être dans la manière d’exercer leur fonction, de s’impliquer dans les dossiers. Les femmes vont plus facilement avoir une attitude pédagogique et vont chercher à suivre les dossiers sur le long terme, tandis que les hommes – certainement pour se protéger – vont garder une distance et adopter un « style aseptisé et procédural ». Mais quel que soit leur sexe, tous les juges rendent des décisions similaires, basée sur la loi et de manière aveugle semble-t-il, ce qui est précisément ce que l’on attend d’eux. C’est une bonne nouvelle pour bien commencer cette nouvelle année, non ?