Y a-t-il une sage-femme dans l’avion ?
Ça ressemble au début d’une histoire drôle ou à un énième volet de la série des « Y a-t-il… », ces films à gags dont il ne sera, rassurez-vous, pas du tout question dans cette chronique. Bien que l’on déconseille souvent aux femmes enceintes de voyager notamment durant le 3e trimestre de grossesse, rien ne l’interdit et il arrive plus souvent que ce que vous imaginez qu’un accouchement se produise en plein vol. Au-delà du caractère épique d’une telle naissance, l’établissement de l’état-civil du nouveau-né peut s’avérer aussi compliqué que de piloter un A380.
Le 25 novembre 2015, lors un vol N’Djamena-Paris, une femme a accouché d’une petite fille. Coup de chance, une sage-femme et Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la santé et médecin cardiologue, se trouvaient à bord de ce vol – l’ancien ministre rentrait d’une conférence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) organisé au Tchad. Sachant que la femme est de nationalité française, qu’elle est à bord d’un vol Air France en provenance du Tchad et à destination de la France et que la petite fille est née au-dessus de l’Algérie, de quelle nationalité est l’enfant ? Vous avez 2 heures pour résoudre ce problème…
En l’occurrence, la situation est moins compliquée qu’elle n’y paraît. La mère étant de nationalité française, c’est le droit français, dans lequel le droit du sang prévaut sur le droit du sol, qui est appliqué. La petite est donc Française, fin de l’histoire. Si ce n’est que les démarches pour déclarer l’enfant sont un peu plus contraignantes que dans le cas classique d’un accouchement dans une maternité où les services de l’état civil se déplacent le plus souvent. Les parents ont eu 3 jours après l’accouchement pour déclarer le nouveau-né auprès de l’officier de l’état civil de Paris (la ville où le voyage s’est arrêté) et ils ont dû être vigilants à ne pas s’emmêler dans les décalages horaires pour l’heure de naissance. Quant au lieu exact de naissance, c’est en étudiant le parcours de vol et les coordonnées géographiques de l’avion au moment de la venue au monde de l’enfant qu’il a été possible de le déterminer.
Quid du droit du sol ?
Le droit du sang signifie que les parents transmettent leur nationalité à leurs enfants. En France, il suffit qu’un des deux parents soient Français pour que leur enfant le soit aussi. Le droit du sol retient le lieu de naissance de l’enfant pour déterminer sa nationalité. En 2015, une petite fille née lors d’un vol long courrier reliant Calgary à Tokyo pourrait obtenir la nationalité canadienne au motif que l’avion survolait le Canada au moment de l’accouchement.
Par ailleurs, certains États (pas la France) considèrent les avions comme une extension de leur territoire national. Et si l’enfant devait être apatride, c’est la Convention sur la réduction des cas d’apatrides du 30 août 1961 (art. 3) qui prévaudrait : « (…) la naissance à bord d’un navire ou d’un aéronef sera réputée survenue sur le territoire de l’État dont le navire bat pavillon ou dans lequel l’aéronef est immatriculé ». Bref, ça peut rapidement devenir un imbroglio juridique qui gâche un peu l’arrivée d’un bébé. Quant aux billets gratuits à vie dont bénéficierait une personne née en plein vol, cela relèverait malheureusement de la légende urbaine…