NDLR : article écrit avant la loi du 2 mars 2022.
Un équilibre à trouver entre intérêt légitime et motifs affectifs
Fin février, Libération publiait un article qui abordait la question du changement de nom de famille sous l’angle des familles juives françaises qui, après la guerre, avaient souhaité franciser leur nom. Les générations suivantes cherchent souvent quant à elles à « reprendre » le nom de leurs aïeuls.
Au-delà de ce cas particulier, la pratique du changement de nom, en progression lente et constante, relève à la fois d’une évolution de la société, d’une histoire personnelle et familiale,… Bref, elle est à la croisée des chemins. Quelles que soient les motivations, le nom est un sujet intime, un reflet de soi-même avec lequel chacun veut se sentir en adéquation.
Comment la législation s’entend-elle avec une affaire aussi personnelle ? Reprendre son nom est il possible ? Quelles lois régissent le changement de nom ?
Un enfant qui n’a pas eu d’attaches physiques et émotionnelles avec son père veut se débarrasser de son patronyme. Madame Vieilledent, dentiste, a du mal à être crédible au sein de sa profession. Monsieur Cocu est victime de railleries. Et Monsieur Barbant, professeur de son état, possède un nom peu encourageant pour ses élèves. Sans parler de la difficulté que peut rencontrer une Madame Mabrouk ou un Monsieur Diallo pour trouver du travail. Il existe une multitude de noms de famille qui peuvent compliquer la vie de leurs possesseurs…
L’exception qui confirme la règle
Le nom de famille est soumis à une loi datant du 6 Fructidor an II, vieille de plus de deux siècle et toujours en vigueur. Elle affirme qu’ « aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance ».
Mais à toute règle une exception ! Changer de nom de famille est possible si on a un intérêt légitime de le faire. Est entendu par intérêt légitime l’avantage matériel ou moral que peut procurer un changement de nom.
Aussi l’intérêt légitime, notion quelque peu floue, recouvre diverses situations comme par exemple : un nom à consonance étrangère, la reprise d’un nom illustre…
Intérêt légitime pour les uns et pour la loi
D’une manière générale, la législation s’est assouplie concernant l’intérêt légitime, et plus particulièrement sur les motifs dits « affectifs ». Pour reprendre le sujet de l’article de Libération, la loi ne prévoit pas qu’il soit possible de « reprendre son nom », pour la raison simple que nous n’avons qu’un nom : celui qui est inscrit sur notre état civil. Ainsi, lorsque les Raimbaud font la démarche pour retrouver le patronyme de leurs parents, Rubinstein, il s’agit d’une procédure classique de changement nom. Or, le changement pour un nom à consonance étrangère ne constitue pas un intérêt légitime, puisqu’il est généralement admis le contraire : une francisation du nom. Mais les motifs « affectifs » – reconnus comme intérêts légitimes – facilitent la démarche des Raimbaud et consorts.
Précisons enfin que l’autorisation du changement de nom de famille est un choix qui est laissé à la libre appréciation du Garde des Sceaux, sous le contrôle du Conseil d’Etat. Une libre appréciation qui donne de la valeur à des motifs affectifs…