Déterminer le montant d’une pension alimentaire ou d’une prestation compensatoire revient aux parties avec l’aide de leurs conseils, sauf en cas de désaccord où un juge statue. Sur quels critères se fonde-t-on pour estimer le montant le plus juste ? Si des tables de référence et autres méthodes de calculs existent, cherchant à objectiver cette décision, il convient de garder un regard critique. L’argent est le nerf de la guerre, dit-on : dans les divorces et les séparations, l’adage, souvent, se vérifie.
« Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. » (Article 371-2 du code Civil). En cas de divorce ou de séparation, cette obligation demeure et peut alors prendre la forme d’une pension alimentaire. La prestation compensatoire cherche à compenser un déséquilibre dans les conditions de vie des époux dans le cadre d’un divorce. Dans un cas comme dans l’autre, le calcul des montants prend nécessairement en compte plusieurs critères.
La pension alimentaire doit être calculée en fonction des ressources et des charges de celui qui doit la verser (le débiteur) et des besoins de celui à qui elle est due (le créancier). Toutefois, il existe une table de référence, à laquelle chacun peut se référer, qui propose des montants indicatifs selon le nombre d’enfant, le mode de résidence et les seuls revenus du parent débiteur. Nous avions déjà parlé de cette grille et de ses manquements dans un précédent article : elle ne prend pas en compte les revenus du parent créancier, pas plus que l’âge de(s) enfant(s) dont les besoins ne sont pas les mêmes à 6 ou à 14 ans, ni la région d’habitation, ni enfin la pluralité des systèmes de résidence qui existent aujourd’hui.
L’établissement de cette table de référence visait à uniformiser les pratiques juridictionnelles. Une récente étude1 tend à prouver que les montants théoriques proposés par la grille indicative et ceux attribués par les magistrats convergent. Toutefois, l’étude souligne le risque de la barémisation de modifier la vocation de la pension alimentaire, instrument de la solidarité familiale, en la rapprochant d’une prestation sociale. En cause : la méthode de calcul et le manque de réflexion que peut entraîner un tel outil.
Regard critique
En ce qui concerne les prestations compensatoires, il faut prendre en considération près d’une dizaine de critères :
- les besoins de l’époux à qui elle est versée,
- les ressources de l’autre époux,
- leur situation lors du divorce,
- l’évolution de leur situation dans un avenir prévisible.
- la durée du mariage,
- l’âge et l’état de santé des époux,
- leur qualification et leur situation professionnelle,
- les conséquences des choix professionnels de l’un des époux, pendant la vie commune, pour l’éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de l’autre époux au détriment de la sienne,
- et le patrimoine estimé ou prévisible des époux, en capital et en revenu après la liquidation du régime matrimonial.
Il y a donc des critères financiers relativement faciles à objectiver et des critères plus personnels et donc plus subjectifs.
Il n’existe pas de barème en tant que tel mais des méthodes de calcul largement partagées, mais dont aucune n’est officielle. Ces méthodes ne sont pas du tout homogènes entre elles et peuvent faire ressortir des résultats avec des écarts très importants.
Selon l’étude, les juges prennent en compte de manière très inégale les différents critères légaux. Par ailleurs, les montants des prestations décidées par les magistrats et ceux obtenus en appliquant les méthodes de calcul présentent des écarts pouvant aller du simple au triple.
Au cabinet nous avons remarqué en effet que la tendance actuelle est que les prestations compensatoires fixées judiciairement sont de moins en moins importantes et souvent moitié moins que la moyenne des méthodes de calcul.
Ainsi, l’objectif d’homogénéisation des décisions n’est manifestement pas atteint et il est fort à parier que les justiciables se sentent souvent injustement traités.
Ces barèmes et autres méthodes de calculs selon des critères chiffrés – et par extension, les simulateurs que chacun peut trouver en ligne – doivent rester des outils d’aide à la décision, rien de plus. Car le droit de la famille, plus que les autres branches du droit, a besoin de s’exercer dans l’écoute, la compréhension et l’adaptabilité aux situations particulières.
¹ Recherche ss. dir. Scientifique S. Gerry-Vernières, mai 2020