Chaque année, de nombreux couples dans l’impossibilité de procréer ont recours à la gestation pour autrui (GPA) à l’étranger, puisqu’elle est interdite en France. Mais de retour dans l’Hexagone, la transcription des actes de naissance reste un sujet compliqué. Face à une société qui change et à l’affirmation de nouveaux modèles familiaux, comment la jurisprudence française évolue-t-elle ?
Régulièrement, la justice refuse de transcrire sur les registres de l’état civil français les actes de naissance d’enfants nés d’une GPA à l’étranger, considérant que ces documents font état d’une situation frauduleuse impossible à reconnaître en droit français. Par une circulaire publiée en 2013, Christiane Taubira avait affirmé la nécessité de faciliter la délivrance de Certificats de nationalité française (CNF) pour les enfants nés d’une GPA à l’étranger. Mais le texte ne concernait pas la transcription sur les registres de l’état civil français des actes d’état civil étrangers et les familles sont restées dans le flou, en particulier sur la question de la filiation.
Entre 2014 et 2017, ce refus répété de transcrire intégralement les actes de naissance de ces enfants dans l’état civil a valu à la France plusieurs condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). À chaque fois, les magistrats européens l’ont affirmé : la France a le droit d’interdire la GPA sur son territoire, mais en refusant de reconnaître une filiation établie à l’étranger, elle viole le droit des enfants au respect de leur vie privée et familiale. En la matière, c’est toujours l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit primer.
L’adoption par le parent d’intention rendue possible
Poser la question de la filiation revient à poser la question de la parentalité. Le droit distingue le parent biologique du parent d’intention. Les parents biologiques sont toujours la mère porteuse et le donneur de sperme. Dans le cas d’un couple de deux hommes, le père d’intention est celui qui n’a pas donné son sperme pour la procréation. Le 5 juillet dernier, la Cour de cassation a rendu un avis qui dit deux choses importantes : la première est que l’acte de naissance étranger d’un enfant né par GPA peut être transcrit partiellement sur les registres de l’état civil français en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention ; et la seconde est qu’une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle à elle seule à l’adoption de l’enfant par l’époux du père. Cela constitue donc un premier pas vers la reconnaissance légale du parent d’intention en autorisant le mari du père biologique à adopter l’enfant né par GPA. Cette adoption simple permet de créer la filiation, protégeant l’enfant sans nier le lien biologique avec la mère porteuse.
Dans les cas de couples hétérosexuels, le parent d’intention est la mère, et ce, même si l’enfant est conçu avec ses ovocytes car pour le droit français, la mère biologique est celle qui accouche. La législation qui repose sur le vieil adage romain « mater semper certa est » (« l’identité de la mère est toujours certaine »), n’avait manifestement pas imaginé (!) les avancées médicales en la matière. Une mère génétique se voit donc dans l’obligation d’adopter son propre enfant pour voir son lien de parenté reconnu.
En mars dernier, la Cour d’appel de Rennes a décidé d’accorder la transcription sans condition des actes de naissance de trois enfants nés d’une GPA à l’étranger, qui ne mentionnaient que les parents d’intention. S’appuyant sur la jurisprudence de la CEDH, cet arrêt mettait en avant le principe de « continuité du statut personnel » et la notion « d’intérêt supérieur de l’enfant ». Qu’en dira la Cour de cassation ? Et est-ce qu’il ne serait pas temps que le législateur s’empare de la question ? Affaire à suivre…