NDLR : article écrit avant la loi du 2 mars 2022.
Vous avez sans doute entendu parler de l’histoire du petit Fañch, privé de son ñ tildé par le tribunal de grande instance en mai dernier. En matière de nom et de prénom, on ne fait pas toujours ce que l’on veut. La loi a évolué au fil du temps pour s’adapter aux évolutions de société, mais aussi prendre en compte des situations qu’elle n’avait pas préalablement envisagées… Et pour cause !
En matière de prénom, les parents sont libres de leur choix, tant qu’ils respectent certaines règles. La première d’entre elles est l’intérêt de l’enfant. C’est à l’officier d’état civil que revient la tâche d’estimer si tel ou tel prénom peut effectivement lui être préjudiciable, car il n’existe plus de liste de prénoms acceptables et acceptés. Jusqu’en 1993, la loi du 11 germinal an XI indiquait que seuls les prénoms tirés des différents calendriers ainsi que ceux des personnages connus de l’histoire ancienne, étaient acceptés. C’est ainsi qu’on a vu apparaitre des Fetnat, diminutif de « Fête Nationale », inscrit au calendrier à la date du 14 juillet comme Thérèse l’est au 15 octobre. Depuis 1993, on peut choisir des prénoms étrangers, des prénoms nouveaux, originaux, etc. Mais attention tout de même ! En 2011, des parents se sont vus refuser le prénom qu’ils avaient choisi pour leur petit garçon : Titeuf. Les juges ont estimé qu’un tel prénom était contraire à l’intérêt de l’enfant (comme nous l’expliquions dans un article précédent). Dans le cas de Fañch, c’est l’utilisation d’une lettre qui est rejetée : le « ñ » n’étant pas un caractère utilisé dans la langue française. Il l’était en français médiéval et l’est encore en breton et en basque, ce qui soulève des problèmes de reconnaissance régionale, mais ceci est un autre sujet…
Nom de famille et nom-de-famille et nom d’usage et nom—de—famille et …
Le nom de famille n’est pas non plus une mince affaire. On parle d’ailleurs de nom de famille et non plus de nom patronymique depuis 2002 : le nom patronymique signifiant qu’il s’agissait du nom du père or, précisément, les mères aussi peuvent désormais transmettre leur nom de famille. Depuis 2002, les parents peuvent choisir le nom de l’un, le nom de l’autre ou le nom de l’un accolé à celui de l’autre (ou inversement). Ainsi, Durand et Dupont peuvent opter pour Durand, Dupont, Durand Dupont ou Dupont Durand. Une circulaire de 2004 avait alors inventé le « double tiret » pour signifier qu’il ne s’agissait pas d’un nom de famille composé qui se transmet tel quel (Joliot-Curie), ni d’un nom d’usage (Carla Bruni-Sarkozy), mais bien d’un nom de famille composé dont un seul des noms pourra être transmis par filiation. Durand–Dupont devra choisir un de ses deux noms pour ses enfants. Alors que le « ñ » n’est pas reconnu, le législateur s’est pendant un temps permis d’inventer le « — »… Qu’il a abandonné en 2011.
Nom d’ici et nom d’ailleurs
Il restait le problème des ressortissants étrangers dont le nom figurant sur leur acte de naissance étranger différait de celui inscrit à l’état civil français. La récente loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a ajouté un article au code civil simplifiant la démarche de toute personne désireuse de mettre en concordance son état civil français avec son état civil étranger et donc d’avoir le même nom que celui retenu dans son acte étranger. Les règles ne sont en effet pas les mêmes dans tous les pays : ainsi, en Espagne, la tradition veut que l’on fasse figurer sur l’acte d’état civil le nom du père suivi du nom de la mère. Par exemple, Claudio Perez Sanchez en France, fils de Juan Perez Alba et de Ana Sanchez Garcia, s’appelle en France Claudio Perez Alba (du seul nom de son père). Une double identité problématique. La nouvelle loi évite ainsi aux ressortissants français de recourir à un changement de nom par décret, et offre une procédure de changement de nom pour les ressortissants étrangers.
Bien plus qu’une simple carte de visite, les nom(s) et prénom(s) de chacun sont affaires d’héritage, de culture, d’appartenance. En simplifiant certaines démarches et en se remettant en question, la loi tente de suivre les évolutions de la société tout en gardant un cadre. Pas toujours si facile…